Observation

Proposons des lieux insolites pour l’art

Créer est une chose, mais montrer son travail en est une autre.
L’artiste, du moins en France, est confronté à un problème important pour s’exposer et rencontrer ses amateurs.
Bien que cet article parle plutôt d’une problématique d’artiste, il peut être inspirant pour tous ceux qui désirent proposer des lieux insolites pour accueillir de l’art.

Des lieux classiques consacrés à l’art

Exposer  signifie souvent être dans une galerie. Hélas, le monde de l’art se porte douloureusement et les galeries sont évidement aussi malmenées. Elles deviennent plus frileuses et surtout moins nombreuses. Dommage, c’est une solution valorisante et fiable pour un artiste. Je ne suis pas du genre à critiquer les commissions  importantes sur les ventes qu’elles pratiquent dès l’instant où leur travail  est professionnel et engagé. Toutefois, il est tout de même désastreux de constater que de plus en plus de galeries se créent en devenant strictement et seulement des loueurs d’espace et de mètres linéaires en ne prenant même plus la peine de défendre commercialement avec conviction  le travail de l’artiste. Pour ma part ces formules sont à boycotter aussi bien par les artistes, que par les amateurs.

Exposer grâce au centre d’art ou aux centres culturels régionaux. Ils ont fréquemment des espaces prévus pour cela. J’ai souvent fait cette expérience pour des expositions personnelles mais aussi pour des expositions collectives. C’est stimulant de créer à plusieurs autour d’une thématique. J’aime cette alternative qui oblige parfois à former un collectif d’artistes pour mener ces actions.

Les concours d’art, l’idée est bonne sauf que de drôles de phénomènes ont tendance à s’installer dans le paysage artistique. Il nous faut payer, bien sûr pour exposer si nous sommes retenus, mais dorénavant aussi pour tout simplement postuler sans garantie évidement de voir son dossier retenu, un comble.

Les foires et salons internationaux d’art contemporain proposent des stands hors de prix pour un artiste. Le public est effectivement là mais pas forcément les ventes. Ainsi, il est malheureusement impossible de rentabiliser une telle manifestation qui nécessite, outre la location du stand, des déplacements et un hébergement sur place. J’y ai laissé des plumes, déçue, je n’y reviendrai pas avant longtemps!

Le net propose des sites bien fait et le marché de l’art sur internet semble augmenter d’année en année, j’ai pour ma part déjà vendu directement par internet et mes ventes deviennent plus régulières avec le temps. Je suis notamment chez Singulart , Saatchi art et kazoart. Ils valorisent très professionnellement et gratuitement nos travaux à l’international, j’y reste et j’attends de voir! Car selon Les Echos du 28 avril 2017 :
Le marché de l’art sur Internet a crû de 15 % en 2016, pour atteindre 3,75 milliards de dollars, alors que les autres canaux de vente observaient un ralentissement, selon le dernier rapport de l’assureur Hiscox. Il représente ainsi 8,4 % du marché global, contre 7,3 % en 2015.  S’il reste difficile de convaincre de nouveaux clients, ceux déjà adeptes des sites marchands d’œuvres d’art ont plutôt consommé davantage : la proportion d’acheteurs ayant acquis plus d’une œuvre en ligne au cours des douze derniers mois est ainsi passée de 63 à 65 %.
Là encore, petit bémol, beaucoup de galeries virtuelles dont la notoriété reste à prouver obligent la location d’un espace virtuel -lui aussi- pour présenter l’artiste. Et comme pour les galeries, les voilà transformées en loueur d’espace sans forcément y joindre un engagement « passionné » pour l’art et les artistes. Pour moi c’est non aussi, d’autant que les escroqueries fleurissent sur le web .

Trouver un agent d’artiste, motivé, passionné et enthousiaste à l’idée de promouvoir sérieusement votre travail, le rêve: cette possibilité reste pour moi également un objectif malgré quelques partenariats avortés.

Alors forte de ces expériences et de ces constats douloureux, je me suis mise en quête de lieux alternatifs, bouleversant les habitudes de monstration classique de l’art et susceptibles de bousculer le public et qui sait le réveiller.

Des lieux alternatifs, tout est à créer !

Si l’art peut en effet prendre place dans des lieux communément reconnus, il peut également se nicher dans des lieux insolites. A nous tous de les créer, pour voir plus d’art dans la vie. A nous tous de laissez des places aux artistes pour faire pétiller le quotidien. Cet article vise à recueillir des idées novatrices germées dans l’esprit des publics amoureux d’art; alors n’hésitez pas à me faire part de propositions créatives d’exposition.

Dès que je peux et par choix personnel, j’opte pour l’idée d’une galerie nomade genre « pop-up ». Et s’afficher d’une façon éphémère est -il faut le savoir- toujours risqué mais très stimulant. De toutes façons, j’ai soif d’expérimentations et je ne tiens pas à rester les bras ballants  pendant ces temps terribles de crise artistique pour les artistes.

Mes recherches de ces espaces se font sur la base suivante :

  • trouver des lieux passants
  • rechercher des événements pour créer de l’attraction
  • ne pas devoir nécessairement être présent pour vendre, oui il y a des lieux que fonctionnent tout seuls
  • ne pas louer ces espaces insolites, car je ne génère aucun coût pour celui qui a la gentillesse de m’accueillir et s’il y a vente penser à remercier le partenaire afin d’encourager ce type d’initiative
  • chercher déjà dans l’environnement proche pour minimiser les frais et l’énergie dépensée

Je ne parle pas des restaurants et autres cafés, car je ne parle pas dans cet article de « décor ». Je parle de lieux publiques désireux d’accueillir de l’art.
A force de me « creuser » et de garder l’œil aux aguets, j’ai expérimenté déjà plusieurs cas de figure, en voici des exemples :

Installer une galerie éphémère dans un local commercial pertinent par son emplacement et à céder. Mais ne trouvant pas preneur, il est en recherche de  signes distinctifs. Soit le lieu vous est ouvert et vous y installez une expo pour un certain temps, soit vous n’avez pas accès à l’espace mais le propriétaire vous autorise à mettre vos travaux en vitrine.

galerie-nomade-veronique egloff dans la ruegalerie-nomade-veronique egloff dans la rue 2Planter une galerie nomade à même la rue, et par exemple pendant le marché important de votre région. Je ne parle pas là non plus de prendre le statut de commerçant ambulant et de louer un emplacement sur la voie publique, mais de dénicher un espace privé gratuit, ouvert sur la rue et en profiter pour proposer momentanément de l’art.
Un porche d’immeuble, une cour intérieure… Des propriétaires solidaires, je vous assure qu’ils en existent, j’en ai croisé et j’ai expérimenté.

S’afficher dans du mobilier urbain. Dans ma petite ville, il y avait un réseau d’affichage, j’avais remarqué que les panneaux n’étaient pas louer en continu et nus, ils  devenaient alors « invisibles » commercialement. L’entreprise propriétaire de ces mobiliers m’autorisa pendant ces temps morts à afficher mon travail.
J’y ai mis carrément mes œuvres originales sur papier en signant une décharge auprès de lui. J’en conviens, j’ai le goût du risque, mais il ne m’est rien arrivé de fâcheux et les gens étaient intrigués par la puissance des images et pour cause, ils voyaient les couleurs en direct. Beau coup de pub! De plus, ne pas mettre de coordonnées et aucune mention utile rend l’image encore plus mystérieuse car pour une fois sur un support pub, il n’y a rien à vendre, il y a juste à offrir!!!

expo-veronique egloff dans-la-sorgue Musée F. Pétraque

Proposer une installation artistique à un musée, l’expérience est belle car le travail doit trouver un sens par rapport aux collections du musée en question.
Ici j’ai exposé entre autres 4 toiles de 4mx4m dans le jardin illustre du musée François Pétrarque (84) directement dans la rivière pour me fondre dans la poésie du lieu et naturellement créer la surprise.
Des budgets sont prévus à cet effet pour certains musées mais vous pouvez aussi faire naître de nouvelles stratégies de communication chez ceux qui n’ont jamais tenter l’expérience.

Afficher des œuvres originales sur les murs des villes et villages en motivant une mairie.
C’est n’importe quoi me direz-vous.

Mais non, avoir l’esprit libre et tranquille des street-artistes, c’est mettre son travail dans l’espace public et le rendre ainsi visible par tous. J’ai accroché mes toiles sur les énormes citernes d’une cave coopérative, sur des pans d’immeubles d’une petite ville, sur la façade d’une splendide mairie et dans les ruelles d’un charmant village.

Bien sur, il faut travailler en XXL car à l’échelle de la ville on devient vite insignifiant, ça tombe bien, je travaille en grand format sur bâches. Là encore, les risques encourus sont conséquents car des dégradations peuvent avoir lieu, mais j’ai confiance et j’ai toujours pu vérifier que le public est très respectueux des dons des artistes.

Quand à la nature, avec ses pluies et ses vents forts et tourmentés, elle n’a jamais anéanti mon travail et a même eu la délicatesse d’inscrire sa propre écriture sur mes toiles par des touches subtiles et absolument inimitables par la main de l’artiste.

Cette façon de montrer mon travail est absolument délibérée et peut-être légèrement subversive mais c’est notre époque qui l’exige. L’art comme toute activité se doit de devenir direct, local, frugal, nomade et donc durable. L’artiste étant -me semble-t-il- un décrypteur et le reflet d’une société en devenir, il a toute sa place au cœur même et en direct avec une société qui s’interroge et c’est justement celle-ci qui doit le lui permettre.

Faites-moi part de vos commentaires, de vos idées folles ou de vos expériences audacieuses pour soutenir les artistes et ouvrir des lieux inédits à l’art.

Related posts